L’ombre venait ; le
soir tombait, calme et terrible.
Hermann me dit : –
Quelle est ta foi, quelle est ta bible ?
Parle. Es-tu ton
propre géant ?
Si tes vers ne sont
pas de vains flocons d’écume,
Si ta strophe n’est
pas un tison noir qui fume
Sur le tas de
cendre Néant,
Si tu n’es pas une
âme en l’abîme engloutie,
Quel est donc ton
ciboire et ton eucharistie ?
Quelle est donc la
source où tu bois ? –
Je me taisais ; il
dit : – Songeur qui civilises,
Pourquoi ne vas-tu
pas prier dans les églises ? –
Nous marchions tous
deux dans les bois.
Et je lui dis : –
Je prie. – Hermann dit : – Dans quel temple
?
Quel est le
célébrant que ton âme contemple,
Et l’autel qu’elle
réfléchit ?
Devant quel
confesseur la fais-tu comparaître ?
– L’église, c’est
l’azur, lui dis-je ; et quant au prêtre… –
En ce moment le ciel
blanchit.
La lune à l’horizon
montait, hostie énorme ;
Tout avait le
frisson, le pin, le cèdre et l’orme,
Le loup, et
l’aigle, et l’alcyon ;
Lui montrant
l’astre d’or sur la terre obscurcie,
Je lui dis : –
Courbe-toi. Dieu lui-même officie,
Et voici
l’élévation.
Marine-Terrace, octobre 1855.